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« Histoire :"Jusqu'à ce que mes jambes ne peuvent plus courir, je continuerais de fuir"
Le jour de sa première fuite, c'était une journée ensoleillé. Le soleil déversait ses rayons sur le Saint Empire, éclairant une petite maison encastré entre deux autres, plus majestueuses, se penchant en avant et dont la charpente commençait à pourrir. Cette vieille maison dont la peinture s'écaille sommeillait encore alors qu'à l'aube on entendait déjà les cris et les hurlements de contestation de ce lapin apeuré. C'était un jour comme les autres, alors que son père, le grand mercenaire le "Black Rabbit", qui faisait trembler les ordres et les empires, ce mercenaire qui la regardait de toute sa hauteur, foudroyant de ses yeux noisettes le visage de sa fille qui refusait, une nouvelle fois, de le suivre.
- Tu ne peux pas vivre en fuyant, Nosély. Sa voix tonnante faisait trembler les murs, sortit des profondeurs d'un savoir qui s'agrandissait chaque jour. Ce visage balafré, agressé par les années qui passent, et trépassent, ses épaisses et imposantes épaules tournés vers le petit corps frêle de sa fille, son visage tremblant, ses yeux embués de larme et cette expression de refus, de peur, ancré dans ses traits. Elle se mordait la lèvre inférieur, coincé contre un mur du salon, sa mère dormait encore... Ou faisait semblant.
- Je veux pas, je veux pas tuer des gens pour... L'argent !- C'est ainsi que nous vivons ! C'est ainsi que j'ai pu te faire naitre et vivre dans cette maison ! C'est comme ça que tu as quelque chose à manger chaque jour ! Tu dois...- Non ! Non ! NON ! Et comme à chaque fois, elle s'écroulait le long du mur, cachait son visage dans ses grandes mains aux doigts de pianistes. Comme à chaque fois, elle pleurait sans retenus, étouffant ses cris et ses sanglots, son corps tremblant de plus belle... L'ombre de son père se retirant de sa petite silhouette misérable. Il lui tournait de nouveau le dos, ce grand personnage dont elle était incapable de retrouver en elle. Était-elle vraiment sa fille ? La fille de ce mercenaire connaissant un nombre incroyable de victoire ? Son coeur lui faisait mal dans sa poitrine, son sang battait contre ses tempes, elle lâcha un cri. Son père prit son épée, puis son marteau reposant contre la cheminée, il les mit dans son dos , attrapa son grand manteau et partit.
Elle pleurait, sans pouvoir s'arrêter, fermant les yeux sur la réalité.
La porte claqua et son père partit de nouveau, le visage dur, le regard froid.
Dans le ciel s'amoncelait les nuages.
***
Le tonnerre grondait haut dans le ciel, Nosély aidait sa mère dans la petite boutique d'enchantement qu'elle tenait un peu plus loin de la maison, dans le quartier commerçant. Elle guettait d'un oeil, le visage de sa mère qui ne lui avait pas décoché le moindre mot, la moindre parole réconfortante, elle aussi déçue du comportement de sa fille... Elle la magicienne qui avait réussi à dompter les éclairs un jour de guerre et qui avait pu aidé l'armée humaine vers la victoire. Elle, la grande Elessya qui s'était tant acharnée pour enseigner la magie à sa fille, cette Nosély qui ne savait pas manier la moindre arme et que la magie fuyait comme la peste. Ses mains continuaient de recopier les formules de sa mère, les épaules voutées Elle pensait, elle réfléchissait, voilà longtemps qu'avait mûrit en elle l'idée de partir, de fuir, cette vie, ce quotidien qui la forçait à devoir choisir, prendre les armes ou se forcer à apprendre la science de sa mère. Hériter du nom de mercenaire de son père et prendre les armes à son tour... C'était... Impossible, oui. Partir, il le fallait.
Alors que le silence régnait, que le soleil avait disparu derrière les gros nuages noirs qui continuaient à se condenser au-dessus du Saint Empire, on entendit quelques petits coups discrets à la porte de la boutique.
- Nous sommes fermés, désolée !Les coups reprirent. L'humaine contourna le comptoir pour aller ouvrir la porte de la boutique, elle lâcha un cri de surprise, d'horreur, en découvrant le corps de son père tombant sur elle, il empestait le sang et l'alcool. Elle continua de crier, de hurler, alors que les éclairs se déchainaient dans le ciel, couvrant sa voix. Sa mère se précipita, le liquide vermeil tiède imbiba ses vêtements, incapable de bouger, les yeux rivés sur le visage de son père. Une expression de douleur déformant ses traits.
La pluie tombait à grosses gouttes, frappant les vitres, fouettant leurs visages alors que la famille transportait le patriarche vers la maisonnée. Les éclairs déchiraient le ciel.
***
La lumière vacillante des bougies décrivait sur les murs des formes dansant sous leurs nez alors que sa mère tenait la main de son mari, les larmes dévalaient ses joues, les yeux du mercenaire refermés depuis maintenant deux heures. La chaleur quittait peu à peu ce corps meurtri par un ultime combat... Une ultime mission dont il avait ramené un peu d'argent, assez pour quelques semaines. Elle se tenait dans l'encadrement de la porte, les yeux secs, incapable de pleurer cette mort qui cueillait ce grand mercenaire, son héros, son père... Le cri de sa mère retentit et elle comprit. Tandis que celle qui l'avait porté dans son ventre fondit en larmes, Nosély se retourna avec lenteur, se dirigeant vers sa chambre, elle prit un sac, fourra dans celle-ci quelques affaires, elle descendit vers le salon, elle prit l'épée de son père et la noua à sa ceinture, elle décrocha les deux dagues de sa mère qui servait de décoration depuis que celle-ci avait arrêté de se battre pour le Saint Empire. Elle les fourra dans son sac, ouvrit la porte, et partit.
La pluie continuait de s'acharner sur elle, sur sa route qui quittait le lieux de sa naissance et de son enfance, cette route qui s'écartait de ses parents, de sa famille, pour s'enfoncer vers le hasard et la chance. Nosély jeta un regard par-dessus son épaule, fixa cette petite maison penchée qui l'avait abritée, elle secoua la tête et continua sa longue, longue marche, vers l'inconnu et l'espoir de devenir, un jour, une personne dont son père serait fière. Elle reprit le surnom de son père, et déambula d'empires en empires, de régions en régions sans jamais oser franchir la barrière des mondes. Quelques jours après, elle sentit une nouvelle présence avec elle, et rencontra Misantra, lui annonçant solennellement qu'il serait son gardien et veillerait sur elle.
Depuis cette première fuite, le lapin noir n'a jamais cessé de s'enfuir, encore et encore, à chaque fois qu'elle sentait la peur la ronger ou l'envie de voyager qui revenait sans cesse. Guidant ses pas vers des destinations inconnus et parfois dangereuses. Ce lapin noir fuyard continuant à vivre, à chercher cette façon de devenir ce que son père aurait voulu.